Montréal a tout à fait raison de s’attaquer au gaz naturel dans les bâtiments pour décarboner son territoire. Je salue d’ailleurs le courage de la Commission sur l’environnement et de la mairesse Valérie Plante de prendre de front le plus gros lobby souterrain du Québec : Gaz Métro/Énergir. Sortir le gaz des bâtiments un incontournable pour réduire l’empreinte carbone.
L’électricité du Québec émet 40 fois moins de GES que le gaz naturel conventionnel. Cependant, au Québec, ce n’est plus du gaz conventionnel, mais bien du gaz de fracturation qui est distribué par les gazières. Ce gaz non conventionnel émet plus de GES que le charbon. L’électricité d’ici émet donc près de 90 fois moins que le gaz distribué au Québec. C’est un secret bien caché, car tous les chiffres utilisés pour quantifier les émissions de gaz naturel sont ceux du vieux gaz naturel conventionnel. Aucune mise à jour des indicateurs de gaz n’a été faite suite à l’arrivée du gaz issu de la fracturation. J’ai bien essayé comme ministre des Ressources naturelles, mais avec la résistance interne et le trop court mandat, je n’ai pas eu le temps.
De plus, la période utilisée pour convertir le gaz en équivalent CO2 est de 100 ans. Toutefois, ce sont les 20 prochaines années qui sont critiques. Or, si on le prend sur 20 ans, le gaz naturel est 4 fois plus puissant en termes de GES. Pour le prochain 20 ans, l’électricité du Québec émet donc 360 fois moins de GES que le gaz d’Énergir.
Conflit d’intérêts
Comme ancienne gestionnaire d’Hydro-Québec, j’ai eu honte de la position de la haute direction de la société d’État. Cette dernière est composée de plusieurs anciens de Gaz Métro/Énergir et sans gêne elle plaide pour le maintien du gaz à travers la biénergie (gaz-électricité), pour la pointe prétend-elle. Une belle entourloupe pour favoriser Gaz Métro/Énergir. Même la Régie de l’énergie a interdit à la haute direction d’Hydro-Québec de refiler aux consommateurs d’électricité la facture exorbitante de son entente pour la biénergie avec la gazière Énergir.
Qu’à cela ne tienne, la haute direction ira tout de même de l’avant et pigera à même les coffres de la société d’État pour financer son entente de dupe. Elle ose même utiliser la menace d’une hausse de tarif d’électricité pour justifier son entêtement.
Plusieurs solutions possibles
La vérité c’est qu’il existe d’autres solutions beaucoup moins polluantes pour gérer la pointe hivernale qui ne dure que quelques heures, quelques fois par hiver. En misant sur l’efficacité énergétique, la géothermie pour les bâtiments commerciaux et institutionnels, le solaire passif ainsi que sur les nouvelles technologies d’accumulateurs thermiques, de thermopompes et de gestion de la consommation, la pointe hivernale peut être diminuée de façon très importante. Pour les cas extrêmes, Hydro-Québec peut faire du délestage de blocs importants en collaboration avec les très gros consommateurs industriels d’électricité. Je le sais, avec mon équipe chez Hydro, nous l’avons fait à plusieurs reprises.
Il faut souligner que Montréal n’est pas toute seule. Il y a aussi Prévost, Mont-Saint-Hilaire, Otterburn Park, Petit Saguenay et Saint-Cuthbert qui ont signifié leur intention d’agir dans le même sens et qui demandent au gouvernement d’adopter un règlement national de décarbonation des bâtiments par l’interdiction du gaz naturel tout comme il l’a fait avec le mazout. Mais non, la CAQ préfère écouter le lobby gazier plutôt que le gros bon sens.
Martine Ouellet, Cheffe Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles
Ancienne gestionnaire chez HQ